Ça faisait des années que je n'avais pas VRAIMENT apprécié un point and click. Pour de vrai.

Si on met à part Broken Age, qui en profitais pour réinventer quelque peu les mécaniques, la plupart des points and clicks souffrent aujourd'hui de deux maux :

• L'hommage trop appuyé aux jeux LucasArt, avec un humour souvent maladroit et malheureux (n'est pas LucasArt qui veut)
• Et surtout, surtout, le côté espace game électronique, avec un jeu qui se contente souvent d'être une succession d'écrans avec des énigmes à résoudre pour avancer à l'écran suivant. C'est linéaire, c'est ennuyant.

En bref, je pense que les Point & Click modernes n'ont pas saisis ce qui faisait l'essence du genre à l'époque.

Mais alors, me direz-vous, qu'est-ce qui faisait l'essence du genre ?

Et bien il y avait deux écoles, que j'appréciais tout autant l'une que l'autre :

• Un sentiment de liberté, nous donnant une impression d'open-world avant l'heure : ça c'est l'école LucasArt, avec ses explorations de manoirs dans Maniac Mansion, et d'îles caribéennes dans Monkey Island
• Une histoire rudement bien écrite, qui nous passionne autant qu'un bon bouquin : ça c'est l'école Sierra, emmené par une Roberta Williams qui voulait avant tout raconter des histoires

Vous noterez que je n'associe par directement LucasArt et humour. L'humour chez LucasArt, c'est une marque de fabrique, pas une fin en soi. J'ai souvent lu, à propos de leurs œuvres, que c'était hilarant. Et souvent les gens qui veulent faire du LucasArt essaient d'être drôle. Rejouez au premier Monkey Island : il n'est pas si drôle, c'est avant tout l'histoire d'un gars qui veut être pirate : la grande aventure, la liberté.

Bien entendu arrivé que les deux studios arrivent à avoir un peu de l'autre penchant : on peut penser à The Dig chez LucasArt (sur un concept de Steven Spielberg), ou à Gabriel Knight chez Sierra, dans lequel j'avais vraiment eu l'impression de voir du pays.

C'est aussi pour ça, selon moi, que Full Throttle est un échec, malgré toutes ses qualités (et elles sont nombreuses). Full Throttle, c'est le LucasArt qui commence à oublier ce qu'est un LucasArt. C'est un escape game, un bête jeu d'énigme avec une histoire en toile de fond (aussi cool soit-elle), une avancée linéaire, d'écrans en écrans, jusqu'à une conclusion qui arrive très vite. C'est le père de tous les points and click ratés des décénies suivantes (la série des runaway en tête).

Je digresse, pensez-vous ? Et bien oui, et non.

Comme je l'ai dit, la grande majorité des points n click voulant rendre hommage au genre, donc un peu axés rétro, s'appuient sur "la recette LucasArt". Et la plupart du temps, c'est assez maladroit et ça n'arrive pas à la cheville des excellents jeux de l'époque.

Kathy Rain a pris une direction différente. C'est un hommage appuyé et réussi à la famille Sierra, et au premier Gabriel Knight en particulier, mêlant enquête et surnaturel.

Pour cela, Kathy Rain recopie la forme, une bouillie de pixel caractéristique de la firme, une animation soignée et réaliste, qui ne cherche pas du tout à faire cartoon, des visages dans des vignettes pendant les dialogues. Kathy Rain recopie la mécanique également, avec un système de jeu très proche de ce qu'on voyait chez Sierra (l'affreux clique droit en moins, heureusement), et avec des phases de jeu au téléphone ou sur ordinateur qui n'ont rien à envier à Police Quest. Mais surtout, Kathy Rain a axé tout son travail sur son histoire, complexe quoi que me laissant un goût d'inachevé. On pense un peu à Twin Peaks, avec cette ville où chaque habitant semble lié aux autres. On est sur une ambiance vraiment très proche de Gabriel Knight, avec une jeune héroïne rebelle rattrapé par son histoire familiale.

C'est assez rare de voir un hommage aussi réussi. Le jeu est assez court, je trouve qu'il manque peut-être d'un peu de zones, de personnages, donc ce n'est pas la perfection non plus. Mais bordel que ce jeu est bien. Je n'avais plus été pris aussi sérieusement dans un point and click depuis l'âge d'or du point and click.

Note : 18/20
Plate-forme : Microsoft Windows, Android, Linux, iOS, macOS, Mac OS

J'ai bien aimé:

• Un vrai hommage aux point and click des années 90
• L'ambiance, qui est proche du premier Gabriel Knight
• L'écriture est digne d'une histoire de Roberta Williams...

J'ai moins aimé

• ...en moins talentueux
• Le jeu est un poil court
• D'autant plus qu'il est un peu simple
• Le système de voyage brise un peu le sentiment de liberté